Chapitre 1 : Rien ne sera jamais plus pareil

Lorsqu’ils ouvrirent les yeux, ils ne virent rien de familier. Tout leur paraissait étrange, des ruines à perte de vue, dans le ciel, sur terre. Ils n’eurent que quelques secondes pour réaliser, retrouver des sensations comme après mille lunes d’inertie, de sommeil sans rêves. C’est comme si le corps devait se rappeler comment fonctionner. Ils se relèvent, souvent, d’autres restent étendus sur le sol comme s’ils voulaient se rendormir et se réveiller ailleurs. Mais bientôt, ils me verront et, comme moi, lorsque j’étais à leur place, ils vont accourir, tantôt méfiants, tantôt confus, mais surtout... effrayés. Pas par le monde inconnu, mais par leur esprit complètement vide. Pas un seul souvenir n’y subsiste, comme s’ils n’avaient jamais existé avant cet instant. Des mots reviennent naturellement, mais déjà vide de sens, quelque chose qui reste sur le bout de la langue. Et moi, moi qui ne suis rien, qui ne représente rien, je leur dirai de ne pas paniquer, je promettrai que tout ira bien, même si c’est un mensonge plutôt commode.

Je ne suis pas seul, il y avec moi d’autres gardiens, ceux qui appartiennent à la coalition, et à la horde. Chacun de nous repartira avec son lot de perdus, de prisonniers. Je n’aime pas mon rôle, mais je sais qu’il faut bien quelqu’un pour le faire. Pour expliquer ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. Oh, bien sûr il y en a qui se fâchent, d’autres aussi, qui, pris de folie tentent de nous attaquer. Alors ils ne repartent pas tous. Et ceux-là ont la malchance d’être bénis par Moros…  Ou seront peut-être bénis par Asclépios. Je m’avance, comme mes deux autres comparses. Derrière nous il y en a d’autres qui attendent, d’autres gardiens, mais qui préfèrent rester en retrait pour ne pas les effrayer. Mon regard balaye la foule, toujours silencieuse. Ils sont nombreux. Peut-être quarante, quarante-cinq. Je souffle et, comme si Apollon me soufflait directement mes mots, je dis :

« Bienvenue, oui bienvenue… Sur Gaïa. Tout ira bien, ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas seul. » J’essaie d’être bienveillant, de ne pas les brusquer, mais il faut que je parle, sinon les questions vont fuser, confuses, et la peur prendra le dessus. « Vous devez vous demandez ce que vous, non, ce que nous faisons tous ici… Et bien je ne sais pas. Certains disent que nous avons été choisi par les Dieux afin de conquérir la Tour des Dieux en leur nom ! Que de merveilleuses récompensent vous attendent ! D’autres encore diront que nous sommes prisonniers, ou que nous avons été kidnappés, que nous ne repartiront jamais. » Je marque une pause, je sens mes compagnons s’agiter derrière moi, les gardiens des autres factions rire et les nouveaux se figer. « Je ne sais pas si les Dieux nous ont choisi ou s’ils nous retiennent prisonniers. Ce que je sais, en revanche, c’est que je ne resterai pas indéfiniment ici. Que je finirai par me souvenir, par regagner le vrai monde. » Parce que je le sais, nous le savons tous, ici ce n’est pas notre maison et même Hestia le sait. Son absence le prouve. « J’ai été béni par Apollon et je fais parti de l’Entente. Certains d’entrevous recevront la même bénédiction que moi, d’autres, encore, de dieux différents et peut-être que nous ne repartiront pas ensemble. Mais souvenez-vous de ce que j’ai dit et fixez-vous ce but : Regagnez votre monde, notre monde. » Et puissions-nous déjouer ensemble les plans des dieux.

Le résumé qui va bien

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